"I came back from space. As I returned, I had one vision. The world set ablaze." - The Fury


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Page écrite par : -Serum (Dante_Sparda_62)

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Sommaire :

- Introduction
- Partie ILa morale de Mgs1 : ça, les réductionnistes, c'est pour vos p'tites fesses
- Partie II Mgs2 : L'Hidéo-logie des Patriots
- Partie IIIMgs3 : Opinions et conséquences
- Parte IVMgs4 : La guerre comme petit boulot, perte de vue de la nature humaine


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Après ce titre accrocheur qui vous a sans doute contraint à vous interroger sur ma santé mentale, je vais très brièvement vous rappeler les faits (A), avant d'expliquer que Kojima, au travers de la morale de Mgs1, lutte contre une conception extrémiste du matérialisme en philosophie : le réductionnisme (B).


A) Les faits : les gènes, c'est pas tout ça.

Rappelez-vous Mgs1. On nous y conte les exploits de Solid Snake, fils de Big Boss, à Shadow Moses. Snake y combat une armée : les Forces Spéciales de la Deuxième Génération, dont les membres ont subi une thérapie génétique afin de se voir implanter les gènes de Big Boss, dont Solid Snake est le clone, et ce dans le but de les rendre plus forts. Ces soldats sont menés par Liquid Snake, autre clone de Big Boss, et pour ainsi dire, jumeau de Solid Snake. Outre les innombrables dialogues dans lesquels on nous explique que « la guerre, c'est pas bien », surtout quand on parle d'armes atomiques (Kojima étant japonais, c'est un sujet qui le touche), une autre thématique ressort donc plus encore du jeu : « il ne faut pas se laisser dominer par ses gènes ».

Commençons par le cas des Forces Spéciales de la Deuxième Génération : l'implantation des gènes de Big Boss devait en faire de meilleurs soldat. Au final, est-ce bien le cas ? Il semblerait que non. En plus de n'avoir pas su arrêter Snake ou même Gray Fox, ou Meryl, ils sont malades en raison de cette thérapie.

genome

Vient ensuite le cas de Solid / Liquid. Liquid Snake est persuadé d'être l'inférieur, ayant hérité des gènes récessifs (tout pourris) de Big Boss. Solid au contraire aurait selon lui reçu les gènes forts. Les noms de code des deux jumeaux semblent soutenir cette théorie : solide > liquide. Nez en moins, Liquid est dans l'erreur. C'est lui qui a les gènes forts, et Solid qui a les gènes faibles. Mais Liquid, persuadé d'être condamné à n'être que l'inférieur, ira droit dans le mur et finira par en payer de sa vie, tandis que Snake, qui je cite « se fout totalement de ce à quoi [ses] gènes ressemblent » va survivre. Cela montre à nouveau la volonté de Kojima de dire que les gènes ne font pas tout.

Enfin, comment aborder cette thématique sans citer le beau discours final de Naomi ?

naomi

« Nous avons tous notre destin gravé dans notre code génétique. C'est un fait… C'est inchangeable… immuable… Mais je viens enfin de réaliser que la vie ne se limite pas qu'à ça. Je vous l'ai déjà dit. Je me suis intéressée aux gênes et à l'ADN parce que je voulais savoir qui j'étais. D'où je venais. Je pensais que l'analyse de mon ADN pourrait révéler qui j'étais, qui étaient mes parents. Et je pensais que cette information m'indiquerait une direction pour ma vie. Mais j'avais tort. Je n'ai rien trouvé. Et je n'ai rien appris. C'est exactement comme pour les soldats génomes. L'implantation d'informations génomiques ne fait pas de meilleurs soldats. En fait, l'ADN ne révèle que ce qui régit le potentiel de force d'un individu. Sa destinée potentielle… Il ne faut pas s'enchaîner à sa propre destinée… se laisser dominer par ses gènes. »



Ici encore et cette fois de manière explicite, Kojima s'attaque au fatalisme génétique, au fait de se croire « enfermé » dans un ADN. Et par la même occasion, c'est à une doctrine entière qu'il s'attaque : le réductionnisme.

B) Réductionnisme et philosophie

Outre les problèmes éthiques posés par le clonage que tout le monde connaît bien et qui sont évidents, c'est ici d'un point plus précis dont nous allons traiter : la matière et l'esprit. La philo peut mener à s'interroger sur la question de la matière. Qu'est-ce que la matière ? La matière en elle-même existe-t-elle ? Etc. N'ayant pas prévu de vous faire un cours de physique quantique, c'est ici à cette question que nous allons nous intéresser : l'esprit est-il de la matière ?

Descartes par exemple (j'en vois déjà soupirer, rassurez-vous ce sera bref) avait mis au point la théorie du dualisme : pour lui, l'âme et le corps étaient deux choses distinctes, de nature différente qui cohabitent dans l'homme. L'âme serait unie à la totalité du corps et ne se cantonnerait pas à un organe : si je vous coupe un bras, je ne vous coupe pas un bout d'âme. Descartes pense toutefois que l'âme se trouve essentiellement dans la glande pinéale entre les deux hémisphères du cerveau, et communique avec le reste du corps à l'aide « d'esprits animaux » (c'est mignon, hein?). Ainsi, le corps n'éprouve rien, mais l'âme oui : si je me pique le doigt, ce n'est pas mon corps qui a mal, c'est mon corps qui dit à mon âme que j'ai mal. Donc l'âme commande le corps, et le corps prévient l'âme. Et bien sûr, parce que Descartes était religieux, l'âme survit à la mort du corps. Mais on ne va pas se lancer là-dedans.

Cette conception aujourd'hui dépassée mène à se demander quels sont les rapports de la pensée au cerveau, et c'est là-dessus que Kojima va intervenir. Sur la question, une école se prononce en faveur d'une pensée strictement issue du cerveau, donc du « matériel » : le matérialisme. La branche extrême de ce bidule-là, c'est le réductionnisme. Selon les réductionnistes, tout est donc réduit au matériel, chaque pensée est issue d'un processus chimique / biologique, etc. L'arrivée de l'ADN remet tout en question : chaque être humain dispose d'un capital génétique hérité d'un père et d'une mère. Il y a des gènes dominants (qui se développent), et des gènes récessifs (dont on est simplement porteur). Le cerveau serait donc issu de cet ADN, issu d'un phénomène naturel et tout à fait inéluctable. Du cerveau découlent les pensées. Les pensées seraient donc déterminées par l'ADN ? Liquid Snake, collé comme une sangsue à son propre « destin génétique », semblent penser en fonction de ses gènes, et même vivre puis mourir selon eux.

A l'évidence, le réductionnisme pose problème à la philosophie – et à Kojima. Il est clair que la pensée n'existe pas sans le corps. Le réseau neuronal est certes la condition matérielle de la pensée... mais faire du cerveau la condition première du fonctionnement de la pensée, c'est par exemple rendre totalement inutile l'éducation. En effet, si tout vient de l'ADN et de la qualité du réseau neuronal conféré par celui-ci, cela signifie qu'on n'a aucun choix, que si Mr X est violent, c'est parce qu'il porte des gènes qui le poussent à ce comportement, que si Liquid est faible, c'est parce que ses gènes sont faits ainsi. Cela mène à des solutions aussi graves que la tendance en neurologie à considérer que les comportements ne découlant pas de nos propres choix, il serait peut-être préférable de modifier génétiquement l'homme afin d'éradiquer certains traits de caractère comme la violence tout en en favorisant d'autres.

Alors, finalement, que penser ? Il est vrai que cette enveloppe génétique favorise certains comportements, mais le contenu de la pensée n'est pas déterminé par le cerveau uniquement. Ce que l'ADN détermine, ce sont les conditions de la possibilité de penser. Il faut effectivement prendre en compte un facteur physique : le cerveau à la naissance est plus ou moins bien foutu, avec plus ou moins de connexions et tout ce qu'on voudra, mais aussi un facteur extérieur, presque environnemental, qui va influer et même changer ce physique en créant de nouvelles connexions. C'est là qu'entrent en jeu l'éducation et l'environnement en général. Chacun dispose d'un potentiel physique qui sera ou non exploité, qui évoluera ou régressera.

liquid

Le fatalisme de Liquid vis-à-vis de ce qu'il croit être sa condition génétique symbolise donc le réductionnisme en la matière, cette idée que la vie de chaque individu est totalement liée à son patrimoine génétique. Solid, lui, fait le bon choix et décide de ne même pas se soucier de savoir s'il est le clone fort ou le clone faible. Il est d'ailleurs amusant de remarquer qu'il semble même – en dépit de son intelligence – ne pas s'intéresser du tout à la thérapie génétique effectuée sur les soldats génomes ni même au clonage dont il est le résultat, comme s'il se disait, portant la voix de Kojima, que c'est le genre de chose que l'homme ne devrait ni connaître, ni savoir faire. Mais ne rentrons pas dans le débat bioéthique : ce n'est pas le but aujourd'hui. Peut-être une autre fois ?



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